Crédit photo : Momo El Said

Libreville et ses quartiers

Libreville mon amie              
Je te veux
Ne me dis jamais un jour
Au revoir ! 1                               

Ces quelques mots sont extraits de la chanson au titre éponyme d’Hilarion Nguéma célébrant la ville de Libreville.
Ce Libreville là, est contemporain.
Autrefois, la rive droite de l’Estuaire Arongo mbéni yi Ndiwa « la mer large et profonde des Ndiwa2 » sur laquelle est située Libreville, était constituée de villages : des groupes d’habitations assez importants pour former une unité clanique et spirituelle, avec des lieux privilégiés et garant des valeurs traditionnelles les plus authentiques. C’était le pays Mpongwé dont les aga3 après avoir résisté avec leurs moyens à la pression du Commandant Bouët-Willaumez capitulèrent en « cédant » la souveraineté de leurs terres à la France par des traités n’ayant aucune valeur juridique.

La création de Libreville apparaît comme une des conséquences de la fin de la traite négrière. En effet, les français s’inspirèrent des anglais, lesquels lorsque ils arraisonnaient un navire négrier, emprisonnaient l’équipage et libéraient les esclaves en les envoyant à Freetown (ville libre), en Sierra Leone.
Ils créèrent ainsi en 1849 un petit espace pour une cinquantaine d’esclaves affranchis en provenance de Dakar. Ces derniers furent amenés et installés dans un lieu-dit le Plateau. Trente huit cases furent construites par le lieutenant Parant.

Libreville revu

Monseigneur Bessieux maria ces africains et l’un d’entre eux nommé Moutier en fut le 1er maire. D’autres populations s’installèrent progressivement sur la rive droite jusqu’à la fin du 19ième siècle, principalement les Bengas, les Sékyanis, les Akèlès et les Fangs. Au fil des siècles, Libreville affiche un nouveau visage et devient un « village » urbain et résolument cosmopolite.

Pour mieux appréhender la physionomie de Libreville l’on va s’inspirer des récits oraux ainsi que de l’ouvrage d’André Raponda-Walker Toponymies gabonaises : les noms de lieux dans l’Estuaire et le Fernand Vaz (Étimboué4) qui organise les quartiers par groupe. L’objectif visé n’est pas d’être exhaustif, mais de rendre compte de la dénomination de l’essentiel des principaux quartiers.

Le groupe de Quaben

Dans l’ouvrage de Raponda-Walker, il est dénommé le Groupe de Louis. Kaka Rapono dit Quaben est le chef Aguékaza qui fonda son village bien avant 1815. Il était le patriarche de cette agglomération.
Celle-ci part de la rivière Anwondo à la descente de la Fondation Jeanne Ébori où le pont Deemin sépare la vallée Sainte Marie du groupe Quaben qui s’étendait jusqu’à l’aéroport.

S. SOUNGANI bat IVRADER statue rond point sablière

Dowé dit Louis, fonda le village Anwondo, actuel quartier Louis (nom générique pour désigner cet ensemble où l’on trouve des loisirs de toutes sortes).

Plaine Orèti, ou la Plaine de la vérité, dont l’entrée fait face au buste de Raponda-Walker, jusqu’à la route qui conduit derrière l’Assemblée Nationale.

Batterie IV fait référence à des pièces d’artillerie destinées à tirer sur l’ennemi : cette appellation date de la seconde guerre mondiale.

Gros-bouquet, d’après les nombreux manguiers qui poussaient aux environs du camp de la gendarmerie et de la poste.

Derrière la prison parce que situé à côté de la prison centrale surnommée Sans Famille.

Guéguè nom du génie protecteur de la rivière éponyme. Le haut de Guéguè qui constitue l’amont où l’on trouve les lycées Montaigne, Blaise Pascal, Calasanz, Ba Oumar… Et le bas de Guéguè, l’aval, où il y a la mairie du 1er arrondissement, le lycée Léon Mba…
Tahiti, parce que selon les anciens colons cette plage ressemblait à celle de Bora Bora.

Au-delà de l’aéroport, il y a une nouvelle commune dénommée Akanda qui englobe la Sablière aujourd’hui quartier huppé, mais qui était une zone exploitée en carrières, Okala, Angondjè et s’étend jusqu’au Cap Estérias.

Commandant Bouet-WillaumezJ.TROLEZSaint michel 2

Le groupe de Mont-Bouët

C’est une zone très populaire avec une grande activité commerciale.

Le bar les « cinq palmiers » (car établi près de 5 palmiers), aujourd’hui disparu,  a laissé son nom au quartier. Une clinique s’y installa qui fut ensuite déménagée à Akébé.. Dans le prolongement de cette descente, il y a Aké-mi-ndjogoni (les œufs de poules), car Bengue Nkondo un des premiers agriculteurs y avait sa ferme.

Mont-Bouët en souvenir du Commandant Bouët-Willaumez fondateur du comptoir du Gabon, c’est aussi le plus grand marché de la capitale.

Petit-Paris habité à l’origine par des travailleurs Massango et Nzébi, Atong-abe (les deux ruisseaux), Nkèmbo (la beauté) on y trouve notamment l’hôpital et la fameuse église aux piliers sculptés par l’artiste Zéphyrin Léndonyo qui y consacra sa vie.

La Peyrie qui a été un jardin d’essai puis un centre de loisirs avant d’être détruit dans le cadre d’un projet de marché plus moderne.

Le groupe du Centre

Il s’étend de la rivière Anwondo à la rivière Mbatavéa située à l’ancien village Mpira près du  siège de la CNSS. On  y trouve la mission Sainte Marie fondée en 1844 sur laquelle s’élève l’église Sainte Marie (deuxième église chrétienne construite au Gabon), l’ancienne résidence à l’architecture coloniale de l’archevêque de Libreville et la résidence construite pour accueillir le Pape Jean Paul II.

Autour de la vallée Sainte Marie : le Port-Môle, le Boulevard Triomphal avec des bâtiments administratifs, galeries commerciales et ambassades.

LBV LA BELLE

On trouve également des écoles et lycées, notamment le collège Bessieux et le séminaire Saint Jean ; le quartier Cocotiers, village Fang établi près de la cocoteraie des missionnaires.

Le centre se prolonge avec le Boulevard de la Nation (Ex Bd de l’Indépendance) puis Montagne Sainte, plus exactement Montagne Saint Etienne, du nom d’Etienne Vané, Chef Benga du Cap Esterias. En 1855, suite à sa conversion au catholicisme et à sa  renonciation à la polygamie, il fut exfiltré avec sa famille vers ce lieu élevé pour échapper à la mort. Le centre-ville où siègent des banques, des compagnies d’assurances et des sociétés diverses.

Mbatavéa « Que personne ne soit appelé au trône, que le prétendant le prenne de lui-même » (sans doute en rapport avec une question de succession) nom de la rivière séparant le groupe du centre du quartier de Glass.

Le groupe de Glass Lalala

HATTON ET COOKSONVillage Olamba_revu

Il partirait de la rivière Mbatavéa à la rivière Lowé. C’est en fait le vieux Glass de l’époque ou Olamba qui signifie tour d’adresse, supercherie : les habitants de Glass avaient la réputation d’être facétieux.

Toulon, nom qui aurait été donné par un gabonais ayant   vécu à Toulon en France.

London, donné par d’anciens employés de maisons de commerce anglaises (John Holt, Hatton & Cookson etc.).

Baraka, mot portugais, est un ancien baraquement d’esclaves. La première mission chrétienne y a été bâtie en 1842, ainsi que la première école, par des protestants. Baraka désigne également le camp militaire de Glass.

Plaine Niger, qui était une plaine où fut érigée la chapelle Notre Dame des Victoires, le cimetière mpongwé, la mairie du 4ème arrondissement.

Mais la dominante de ce secteur c’est son activité commerciale avec notamment la zone industrielle d’Oloumi (grand arbre fétiche à l’écorce rouge brique ou orange) et le marché mitoyen à la rivière Ogombyè (bonne chance, main heureuse à la chasse).

Lalala, qui signifie en fang « long long long » ou « loin loin loin », situé au carrefour des routes menant vers le quartier de la Nomba vers Owèndo et son fameux Couloir de la mort où se dressent en enfilade des bars qui invitent à la beuverie.

Le groupe de Nombakèlè-Akébé

SERGE EBEZA LBV la belle - PK5- BELLE VUE 2

Nombakèlè ou la colline des Akèlès, groupe ethnique disséminé à travers le Gabon, dont quelques individus vinrent s’installer au lieu-dit.

Likouala-Mossaka nom donné en référence aux rivières du Congo Brazzaville par des Mbètès venus comme travailleurs.

Akébé l’origine et la signification de ce mot sont inconnus. Il y a plusieurs Akébés et c’est spécifique à ce quartier : Pont d’Akébé, Akébé frontière, Akébé Plaine, Akébé poteaux où le maire Lassy fit ériger des poteaux pour un projet de marché dans les années 60. Dans ce groupe on peut y adjoindre Kingélé, Rio, Awèndjè (le bonheur), Belle-vue, Venez voir.

Le groupe de la voie express

 

Il part de l’échangeur du lycée d’État Paul-Marie Indjendjet Gondjout à l’échangeur de Lalala.

On y trouve pêle-mêle le Camp de Gaulle qui abrite les éléments français du Gabon du 6ième BIMA, Alibandeng (lieu où on faisait des plantations), Ambowè du nom d’un affluent qui se jette dans la rivière Tsini, Les Charbonnages d’après la compagnie des Charbonnages de France qui fit un don de maisons préfabriquées au Gabon, Nzeng Ayong « qui cherche ceux de sa tribu, de son clan ».

Cité de la Caisse, Belles Peintures du nom d’un artisan peintre fabricant d’enseignes, Plein ciel, Cité Damas du nom du créateur de l’hymne national du Gabon Georges Damas Alèka, Fopi (Forces de Police d’Intervention) camp de policiers, Beau séjour, Osèngè (cour de village), IAI du nom de l’Institut Africain d’Informatique, Mindoubé, Ozangué (la lumière) nom inspiré par un prêtre bwitiste, le bwiti apportant la lumière, Ozungué  le seigneur, là où se trouvent les ACAE (du nom des Ateliers et Chantiers de l’Afrique Equatoriale).

Libreville cache encore bien des mystères liés aux divinités des eaux de son large estuaire. D’où l’importance des noms issus de nombreux cours d’eau ou de rivières et leurs génies ; ils sont liés à une histoire peu connue parfois anecdotique. Typiques ou inventifs, ils sont également associés à une immigration toujours inachevée

LBV_Ambowé DébarcadèreBELLE PEINTURE IMUNGA

1. Libreville d’Hilarion Nguéma auteur compositeur interprète accompagné par l’orchestre Afro-succès.
2. Nom d’origine de Libreville donné par le premier clan mpongwé ayant occupé l’Estuaire
3. Aga pluriel de oga traduit abusivement dans les documents historiques par roi, correspond plutôt à chef de lignage.
4.Toponymies gabonaises, André Raponda-Walker, éditions Raponda-Walker, Libreville, 2008